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Le mausolée de la petite lucarne !

J'ai visité pour vous l'exposition « Culture TV, la saga de la télévision française » qui se tient au musée des Arts et Métiers jusqu'au 8 mars prochain. 

L'exposition retrace les 80 ans d'histoire de la télévision française. Cette dernière voit le jour en France dans les années 1930 sous la houlette de l’État et du ministère des PTT (acronyme de Postes, Télégraphes et Téléphones) qui mène plusieurs expérimentations de diffusion. 

Mais c'est en juin 1949, avec la création du réseau public de la RTF (Radiodiffusion Télévision Française) que la télévision accélère son développement.
En 1950, Lille est la première ville de province à accueillir la Télévision, en 1964 la deuxième chaîne voit le jour, en 1967 la couleur se pointe, en 1968 la publicité débarque, en 1972 la troisième chaîne se créée, en 1974 l'ORTF éclate, en 1984 Canal+ diffuse, en 1986 TF1 est privatisée, en 2005 la TNT s'installe.... Enfin voilà, soudain, la télévision comme on la connaît aujourd'hui se dessine à vitesse grand V. 

L'exposition « Culture TV, saga de la télévision française » a choisi de ne pas questionner l'histoire de cette télévision, de ne pas s'interroger sur les impacts sociologiques de sa consommation ou même sur ces évolutions techniques précises. On ne trouve aucunes problématiques levées quant à la surexposition aux images violentes, aux effets de la culture de masse, à la multiplication des chaînes, à la redéfinition de l'offre audiovisuelle à l'heure du numérique.... 

En fait, plus qu'un érudit chemin de croix à travers la création de l'industrie audiovisuelle, l'exposition ressemble plutôt à un grand mausolée en l'honneur de la Télévision. On y vient pour voir des postes cathodiques devenir écran plat 4K et pour mater avec réjouissance et gloutonnerie des zappings de programmes TV qui ont marqués les spectateurs. 

Alors bien sûr, je dois le reconnaître, quel plaisir de revoir un extrait des Mini Keums, un bout d'Intervilles, un fragment de la victoire des bleus en 1998 ou quelques secondes du journal du Hard, mais j'aurai quand même bien aimé dépasser la simple nostalgie. Par exemple, comme le dit souvent le grand-père de ma petite amie, il aurait pu être très intéressant de se pencher sur l'étude de l'impact que la télévision a eu sur l’ego du spectateur. 

En effet, jusqu'à la création de la télévision, le cinéma, par la taille importante de son écran, permettait à l'acteur de film d'être plus grand que le spectateur. Et du jour au lendemain, le type lambda allongé sur son canapé devient plus massif que Cary Grant ! Quel impact inconscient cela a-t-il généré sur la perception du spectateur de lui-même ? Cela a-t-il favorisé un changement de considération de l'individu par lui-même ? S'est-on senti plus fort le jour où la télévision nous a permis d'être plus grand que James Bond ? 

Dans tous les cas, l'exposition assume complètement surfer sur la spleen télévisuel en se définissant comme une « véritable madeleine de Proust Cathodique ». Ainsi - mais est-ce vraiment le rôle d'un musée ? - comme calqué sur la réalité de la télévision actuelle, l'exposition écarte toute réflexion pour éviter de ne pas plaire ou de diviser, et se focalise sur l'émotion, fédératrice et bienveillante. Ça y est, TF1 à gagné !



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