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Éteins la Télé Mec !

J'ai visité pour vous la rétrospective monographique consacrée à Hervé Télémaque (né en 1937) qui se tient au Centre Pompidou jusqu'au 18 mai prochain. 

L'exposition présente plus de soixante-quinze œuvres, peintures, dessins, collages, objets et assemblages, de cet artiste français d'origine Haïtienne. 

Les œuvres d'Hervé Télémaque possèdent à leur début une touche prononcée d'abstraction colorée, sous l'influence de l’expressionnisme abstrait américain. C'est ma période préférée de Télémaque. On y voit des formes peintes en couleurs vives, torturées mais tout à fait pures, gigoter gaiement sur des séries de tableaux. 

Cette première étape laisse ensuite la place à quelques œuvres d'influence surréalistes où l'objet peint joue de loufoquerie pour désorienter ou questionner. Et enfin, Hervé Télémaque trouve un rythme de croisière dans un courant artistique qui marquera l'histoire de l'art de la deuxième moitié du 20ème siècle : la figuration narrative. 

Ce courant, qui s'incarne dans les œuvres de Télémaque, pourrait se définir comme le rapprochement sur une même toile entre l'esthétique figurative et la revendication sociale, pour être plus clair, c'est un mix entre le style pop art et les thèses gauchistes de mai 68.

Ce qui est assez désarçonnant dans ce courant c'est que, comme l'explique Herbert Marcuse (1898 - 1979), philosophe et sociologue marxiste, « le potentiel subversif d'une œuvre de Figuration Narrative doit tenir dans sa dimension esthétique bien davantage que dans son discours politique explicite ». Ceci rend les œuvres de ce courant extrêmement difficile à déchiffrer car quand le visiteur débarque, il voit une toile chatoyante sans jamais se douter qu'il s'agit en fait, par exemple, d'un pamphlet contre l'hégémonisme de la société de consommation ou comme, par exemple encore, d'une saillit contre le racisme et les inégalités sociales ! 

Hervé Télémaque fera quant à lui du thème de la négritude un élément central du contenu de son œuvre en expliquant s'être servi de « son autobiographie de métis haïtien pour structurer son langage ». 

Mais la vraie cohérence que je vois dans le travail d'Hervé Télémaque, c'est son recours à la métaphore visuelle. En fait, sur place au Centre Pompidou, quand on se penche un sur les encarts descriptifs des toiles de Télémaque, on se rend compte que la quasi totalité sont des réinterprétations d'une œuvre déjà existante ; une photo d'un tel, un dessin de machin, une peinture d'un autre, un tableau de bidule etc.... L’œuvre inspiratrice est la plupart du temps méconnaissable mais elle est pourtant le point de départ de la création de Télémaque. 

Ceci peut nous laisser penser que le courant de la figuration narrative est en fait une simple coquille qui ne peut renfermer que de l'existant, un langage pictural qui ne peut que réécrire mais qui est incapable de donner vie. Ainsi, dans la veine d'une société où l'apparence tient le haut du pavé, les œuvres de Télémaque marquent-elles la victoire du style sur le contenu ? 







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