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Et si la jeune fille à la perle avait un bec !

J'ai visité pour vous la 2ème édition d'Open Museum organisée par le Palais des Beaux-Arts de Lille et consacrée cette année à ce bon vieux Donald Duck ! 

Open Museum, c'est une invitation donnée chaque printemps à des créateurs en tous genres à venir s'établir au Palais des Beaux-arts de Lille pour créer des œuvres originales qui vont dialoguer avec les œuvres permanentes et les espaces du musée. 

Lors de la première édition, le groupe de musique électro cosmique AIR avait mis en musique les collections en composant des morceaux inédits qui vinrent, grâce à une technique de diffusion novatrice, ambiancer la visite du musée avec des univers adaptés en fonction de l'époque et du courant artistique. 

En 2015, ce sont les artistes contemporains du collectif allemand InterDuck qui se sont fait le plaisir de réinvestir les couloirs et les très hauts plafonds des collections permanentes du Palais des Beaux-arts de Lille. Les artistes d'InterDuck ont joué la carte de la dissimulation et de l'intégration en revisitant 80 œuvres emblématiques de l'histoire de l'art, objets archéologiques, peintures ou sculptures, en y plaçant systématiquement une ou plusieurs figures de …. canards ! 

Improbable mais vrai, Donald, personnage mythique de Walt Disney, créé et popularisé dès les années 1930, se retrouve, tel un caméléon, à squatter des toiles de Léonard de Vinci, de Picasso ou de Monet. Et ça remonte même encore plus loin : la visite commence par l'antiquité où on découvre, entre deux pharaons, une momie à bec avec les pieds palmés ! 

L'effet est garantit : c'est désarçonnant et hilarant ! Mais plus que ça le concept est tout simplement brillant d'un point de vue pédagogique. En s'appropriant de la sorte les œuvres classiques, en dépossédant les grands maîtres de leurs chefs d’œuvres de manière drolatique et impertinente, le collectif InterDuck crée un terrain foisonnant de médiation artistique. 

En effet, ce qui rend les œuvres classiques inaccessibles c'est leur réputation d'inviolabilité - on ne peut pas les toucher, elles sont considérées comme sacrées et nous sont imposées comme des chefs d’œuvres indétrônables et incritiquables. On est donc, sans culture artistique spécifique, condamné à s'emmerder dans les musées des Beaux-Arts. 

Or, l'incompréhension et l'ignorance se cachent en fait dans le principe même de cette inviolabilité car toute chose un temps soit peu merveilleuse va soudain perdre de son aura le jour où on impose au peuple sa suprématie par la propagande bien pensante. Or, en s'emparant avec ironie de ce sujet inviolable, en le déformant, en le trafiquant, en le bousculant, on finit au contraire par le comprendre, et sans forcément aller jusqu'à l'aimer, on le respecte. 

De fait, en plaçant des originaux à côté des tableaux pimpés de canards, le Palais des Beaux-Arts de Lille, incite le visiteur à regarder les détails de l'original pour savoir ce que remplace la figure du canard. Et tout d'un coup ce visiteur se rend compte de la richesse de l’œuvre classique. Ainsi, pour donner plaisir à apprendre, il faut humaniser le divin pour rendre intelligible son essence céleste. 







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