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Le temple de l'art contemporain - LE CENTRE POMPIDOU

Le Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou, ou plus communément appelé le Centre Pompidou, est pour moi un des lieux les plus extraordinaires de Paris. Pensé en 1969 par le président Georges Pompidou et inauguré en 1977, c'est un espace polyculturel ultra dynamique dédié à la création moderne et contemporaine. Il rassemble une des plus grandes bibliothèques de lecture publiques européennes, une superbe librairie, de grandes galeries d'expositions temporaires, des salles de spectacles, cinéma et conférences, une des trois plus importantes collections permanentes d'art moderne et contemporain au monde, un institut de création musicale (IRCAM), deux restaurants et aussi, ce n'est pas rien, une des plus belles vues de Paris. Doté d'une architecture interstellaire (conçue par Renzo Piano, Richard Rogers et Gianfranco Franchini) et présidé par Alain Seban depuis 2007, le Centre Pompidou est une des attractions les plus populaires de France (16000 visiteurs par jour) et une énorme structure (1 000 employés, 100 millions d'euros de budget). Zoom sur 4 événements qui ont marqué l’actualité du Centre ces derniers mois.


MODERNITÉS PLURIELLES ☆☆☆☆☆

PRÉSENTATION : L'exposition présente un nouvel affichage de la collection moderne permanente du Centre Pompidou. Mille œuvres couvrant 65 ans de l'histoire de l'art (1905 à 1970) sont exposées, 400 artistes sont mis en avant et 47 pays sont représentés. L'exposition présente un parcours chronologique et thématique (par courant créatif).

AVIS : Superbe ! Quelle meilleure façon de découvrir l’histoire de l'art moderne que de se promener dans les galeries de cette exposition. On y retrouve tous les grands maîtres des avants garde (Picasso, Léger, Cézanne...) et tous les grands courants artistiques (cubisme, expressionnisme, constructivisme, surréalisme...) qui ont marqué le 20ème siècle. Il y en a pour tous les goûts, pour toutes les envies, pour toutes les cultures. L'exposition est d'une richesse inouïe et je pense qu'il faut venir plusieurs fois pour la déguster à sa juste valeur. Un grand bravo à la scénographie qui utilise fréquemment un élément qui m'enchante : l'accrochage dense et composé sur un même mur. Ainsi, en jouant sur l'accumulation et l'interaction d’œuvres d'un même périmètre créatif, les murs rayonnent.

Et puis nous avons presque l'impression d'être chez soi, dans son salon. En effet, de nombreuses œuvres affichées sont tellement célèbres qu'elles nous sont devenues familières. On passe et repasse devant certaines toiles avec enchantement. Je suis personnellement un grand fan de l’expressionnisme allemand et du mouvement de la Nouvelle Objectivité (Ernst Ludwig Kirchner, Otto Dix, George Grosz...) et je vous encourage à vous arrêter contempler les formes saillantes et expressives des toiles de ces artistes. En présentant une collection internationale et pluridisciplinaire (peinture, sculpture, photographie, architecture...), le Centre Pompidou propose une histoire de l'art qui enchantera les puristes, grands connaisseurs des disciplines artistiques, et les curieux amateurs, comme moi, à la recherche d'émotion et de réflexion. Et en plus, c'est gratuit !

INFOS PRATIQUES : « Modernité plurielles » - Centre Pompidou – Place Georges Pompidou, 75004 Paris - Tous les jours sauf mardi 11h à 21h – Gratuit


LE SURRÉALISME ET L’OBJET ☆☆☆☆

PRÉSENTATION : L'exposition présente à travers plus de 200 œuvres l'histoire, considérée aujourd'hui comme révolutionnaire dans l'art, de la relation entre les surréalistes, qui rejettent tout contrôle exercé par la raison, l'esthétique ou la morale, et l'objet, à entendre comme œuvre d'art en trois dimensions.

AVIS : Très belle exposition ! Un élément me semble-t-il mettra tout le monde d'accord : la superbe scénographie ! Le parcours présente un espace enchanté et poétique, plongé dans une timide obscurité et traversé par des effets visuels et sonores géniaux. De plus, l'exposition contentera à la fois les visiteurs avides de métaphysiques provocatrices et émotionnelles ainsi que les visiteurs curieux d'en savoir plus sur l'histoire du courant surréaliste, les interactions entre ses membres et les critères concrets de certaines de leurs œuvres. C'est en sortant de l'exposition, lors d'un débat endiablé avec ma mère, que j'ai réalisé ce double aspect. En effet, tandis que cette dernière était ravie d'avoir appris que l’œuvre de Dali, « Téléphone aphrodisiaque », représentant un homard sur un téléphone, faisait partie d'une série d’œuvres dans laquelle l'artiste travaillait sur les associations entre comestibles et immangeables, je jouissais plutôt du caractère fortement subversif du « Porte-Bouteilles » de Marcel Duchamp ou de la gueule expressive de la « Poupée » de Hans Bellmer.

Ceci pose la problématique de l'audioguide ! Vous l'aurez compris, mon mode de consommation des expositions ne l'intègre pas dans mes visites. Ma théorie est la suivante : pour profiter d'une œuvre d'art, il faut se dégager de toutes interférences extérieures au cours de son parcours pour se concentrer sur l'émotion ou la réflexion (quitte à ne rien comprendre). Ceci dans l'objectif de développer une capacité de penser et de sentir par soi-même. Concrètement, ça m'est égal de savoir que l’œuvre est peinte en « 1905 pour représenter une rupture amoureuse », je veux le ressentir en regardant la toile !!! Je ne cherche pas à comprendre, puisque je pense qu'il n'y a pas de vérité absolue mais que des interprétations, je veux réfléchir et être ému en relation directe avec l’œuvre. Le processus de domestication de l’œuvre, c'est à dire le recueil d'information pour accompagner son approche de la création, doit intervenir ultérieurement. L'instant doit être brut quitte à décevoir (la joie n'en sera que plus belle) !

INFOS PRATIQUES : « Le surréalisme et l'objet » - Centre Pompidou – Place Georges Pompidou, 75004 Paris - Tous les jours sauf mardi 11h à 21h – Plein tarif : 13 € / Tarif réduit : 10 € - Jusqu'au 3 mars 2014


DANIEL DEWAR & GREGORY GICQUEL ☆☆☆

PRÉSENTATION & AVIS : L'exposition présente dans la Galerie 315, au sein du Centre Pompidou, le travail de Daniel Dewar et Grégory Gicquel, lauréat du prix Marcel Duchamp 2012. Ce prix récompense chaque année depuis 2000 un artiste plastique et visuel français novateur. Organisé avec le soutien du Centre Pompidou, le prix est remis lors de la Foire Internationale d'Art Contemporain (FIAC) de Paris. La galerie 315, relativement petite mais très aérienne, devient ainsi un porte voix pour la création contemporaine. Elle héberge pendant deux mois une création originale du Lauréat du prix. Ceci permet de poser un regard introductif sur un travail nouveau tout en donnant un éclairage à un événement artistique. La démarche du Centre Pompidou est une nouvelle fois géniale : donner de la visibilité à la création. Les travaux artistiques de Dewar & Gicquel (nés respectivement en 1976 et 1975) sont basés sur les expériences sculpturales souvent démesurées (taille de pierre, de bois ou de céramique et tapisserie) et leurs œuvres sont systématiquement faites main.

INFOS PRATIQUES : « DanielDewar & Grégory Gicquel » - Centre Pompidou – Place Georges Pompidou, 75004 Paris - Tous les jours sauf mardi 11h à 21h – Plein tarif : 13 € / Tarif réduit : 10 € - Jusqu'au 4 janvier 2014


DONATION FLORENCE ET DANIEL GUERLAIN ☆☆☆

PRÉSENTATION & AVIS : L'exposition présente une partie de la donation au Centre Pompidou de 1 200 dessins issus de la collection Daniel et Florence Guerlain. Cette donation regroupe des œuvres sur papier de plus de 200 artistes de 38 nationalités différentes, un melting pot créatif. Difficile de voir émerger un style particulier dans cette multitude. L'atmosphère qui en ressort m'est apparue dans l'ensemble, sans connotation péjorative aucune, obscure et apocalyptique. En se promenant dans le labyrinthe créé pour l'occasion au premier étage des collections permanentes du musée, on n'échappe pas à son dessin coup de cœur. Le mien : la série d'explosions en noir et blanc de Marcel Van Eeden, dessinateur néerlandais né en 1965. Au final cette exposition me conduit aussi à cette problématique : que ressent un collectionneur en donnant le fruit de sa passion (et de son argent aussi) à un musée ? Est-ce se délester d'un poids, d'une dépendance compulsive éreintante ? Est-ce une question d’ego et de pouvoir d'influence ? Est-ce une déchirure pour la bonne cause ?

INFOS PRATIQUES : « DonationFlorence et Daniel Guerlain » - Centre Pompidou – Place Georges Pompidou, 75004 Paris - Tous les jours sauf mardi 11h à 21h – Plein tarif : 13 € / Tarif réduit : 10 € - Jusqu'au 30 mars 2014


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Les peintres témoins de leur temps - PINACOTHÈQUE DE PARIS

Dans un essai introductif remarquable, Marc Restellini, directeur de la Pinacothèque de Paris, s'interroge sur le rôle de l'artiste dans la reproduction de la réalité de son époque. A travers une triple exposition consacrée chronologiquement à la dynastie Brueghel (15ème et 16ème siècle), à Francisco de Goya (1746-1828) et à Chu Teh-Chun (né en 1920), sa réflexion traverse 600 ans d'histoire de l'art et s'arrête sur trois périodes particulièrement marquantes. Son objectif : rappeler au visiteur du 21ème siècle qu'avant l’avènement de la photographie, le peintre était le témoin visuel de son époque. Les évolutions technologiques actuelles, rendant l'immortalisation de son environnement accessible à tout un chacun, ont tendance à nous faire oublier le rôle fondamental de l'artiste. Sans en être totalement conscient, le peintre était le garant d'une mémoire visuelle. Dans cette trilogie, nous découvrons tout d'abord avec la dynastie Brueghel comment un peintre immortalise son quotidien. Ensuite, avec Francisco de Goya nous voyons comment il le dénonce. Enfin, avec Chu Teh-Chun nous examinons comment il capte son essence sensationnelle.


LA DYNASTIE BRUEGHEL ☆☆☆☆☆

PRÉSENTATION : L'exposition présente le travail de peintres flamands issus de la même lignée, les Brueghel. Pendant trois générations, du début du 15ème siècle jusqu'à la fin du 16ème, plusieurs membres de cette famille vont mettre en peinture les éléments les plus symptomatiques des coutumes et du mode de vie quotidien des habitants de leur région (Flandres et Nord de l'Europe).

AVIS : Sublime ! Ce coup de pinceau intergénérationnel laisse une trace esthétiquement et anthropologiquement fascinante. Tout commence avec Pieter Brueghel dit l'Ancien, le Rustique ou le Drôle (1525-1569), considéré comme fondateur de la dynastie. Avec lui et ses suiveurs, pour la première fois, « le monde rural devient le sujet de la peinture ». On voit apparaître au centre des toiles les paysans, travaillant, festoyant, chassant.... Le visiteur est bluffé par la minutie du détail et la puissance narrative de ces oeuvres. De plus, ces peintres vont élaborer « une réflexion innovante autour de l'Homme et sa place dans la nature ». En effet, les Brueghel mettent fin aux paysages révélant une humanité héroïsée (comme ce fut le cas dans la peinture italienne de cette époque) pour, notamment sous l'influence de la Réforme protestante, réduire l'Homme à ses humbles proportions face à la nature, immense création divine. Je retiendrais tout particulièrement les paysages de Jan Brueghel dit de Velours dont les panoramas sont d'une beauté émotionnelle et esthétique époustouflante.

INFOS PRATIQUES : « La dynastie Brueghel » - Pinacothèque de Paris – 8, Rue Vignon, 75009 Paris - Tous les jours de 10h30 à 18h30 avec nocturnes jusqu'à 21h les mercredis et vendredis - Plein tarif : 12,30 € / Tarif réduit : 10,30 € / Tarif 3 expos : 18€ ou 15€ - jusqu’au 16 mars 2014


GOYA ET LA MODERNITÉ ☆☆

PRÉSENTATION : L'exposition propose d'explorer l'ambivalence de l’œuvre de Francisco de Goya (1746-1828), peintre et graveur espagnol. En rappelant son passé glorieux d'artiste phare et adulé de la cour d'Espagne, l'exposition présente en même temps l'intégralité de ses séries de gravures, manifestations de son indignation contre certaines atrocités de son temps, qui furent censurées par les autorités et découvertes après la mort de l'artiste.

AVIS : Intéressant mais décevant. Goya est pris entre deux réalités : le faste débordant de l'élite pour laquelle il travaille et la décrépitude des masses contre laquelle il s'insurge. Pour être le témoin de son temps, il doit cultiver un dédoublement de personnalité. Ainsi, tout en réalisant de grands portraits officiels de style classique, il dénoncera à travers ses séries de gravures, avec crudité et pathos, dans un langage plus personnel, les dérives de la société espagnole de son temps telles que les excès de l’Église (« Caprices » 1799) et les horreurs de la guerre d'Indépendance contre les armées napoléoniennes (« Les désastres de la guerre » 1808). Ainsi, alors que la Dynastie des Brueghel innovait en illustrant, Goya franchit un nouveau cap, il s'engage et par la même, introduit selon les historiens d'art la notion de romantisme dans l'art occidental.

D'autre part, l'exposition, contrairement à ce qui est vendu par la Pinacothèque, n'a pas l'acabit d'une rétrospective. Elle ne retrace pas avec exhaustivité le parcours artistique de Francisco de Goya. De plus, et voici une observation personnelle, la lecture des gravures accrochées aux murs d'exposition reste difficile. Théâtralisant une succession de scènes en petits formats, j'aurais certainement éprouvé plus de plaisir à les découvrir tranquillement dans un catalogue contenant les originaux. Ceci est bien entendu impossible mais reste tout de même la problématique suivante : comment optimiser le plaisir de lecture d’œuvres de petits formats dans un musée ?

INFOS PRATIQUES : « La dynastie Brueghel » - Pinacothèque de Paris – 28, Place de la Madeleine, 75008 Paris - Tous les jours de 10h30 à 18h30 avec nocturnes jusqu'à 21h les mercredis et vendredis - Plein tarif : 12,30 € / Tarif réduit : 10,30 € / Tarif 3 expos : 18€ ou 15€ - jusqu’au 16 mars 2014


CHU TEH-CHUN ☆☆☆☆

PRÉSENTATION : L'exposition présente un ensemble de toiles de l'artiste chinois Chu Teh-Chu (né en 1920). Mélange de la culture orientale et occidentale, ses toiles abstraites incarnent la nouvelle mission de l'artiste peintre à l'âge moderne : immortaliser la sensation d'une réalité.

AVIS : Superbe ! Chu Teh-Chun est, dans la trilogie de la Pinacothèque de Paris, l'incarnation de la nouvelle problématique à laquelle doivent faire face les artistes du 20ème siècle : que devient le rôle du peintre quand la technologie se développant (photographie et vidéos) tout un chacun peut immortaliser sa réalité ? La solution : le peintre doit se renouveler, réinventer la manière dont il témoigne de son temps. Ainsi, finie la figuration, place à l'abstraction. Le concept : l'artiste ne représente plus ce qu'il voit mais ce qu'il ressent. Il va offrir sa propre vision et perception de la réalité. « La photographie le libère du sujet et l'artiste peut donner libre cous à son imagination ».

L'abstraction de Chu Teh-Chun est envoûtante, poétique et sensible, elle entremêle couleurs et mouvements en offrant une transcription subjective et lumineuse de la nature. Le jeu : déceler un univers perceptible dans ces peintures arc-en-ciel et enivrantes, dans lesquelles l'exploration prolongée se transforme en noyade. Tel un brouillard limpide, elle capte le regard et l'absorbe. Est-ce parce que dans un monde de plus en plus technologique, la réalité concrète part en fumée ?

INFOS PRATIQUES : « La dynastie Brueghel » - Pinacothèque de Paris – 8, Rue Vignon, 75009 Paris - Tous les jours de 10h30 à 18h30 avec nocturnes jusqu'à 21h les mercredis et vendredis - Plein tarif : 8,20 € / Tarif réduit : 6,20 € / Tarif 3 expos : 18€ ou 15€ - jusqu’au 16 mars 2014...