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La renaissance et le rêve - MUSÉE DU LUXEMBOURG ☆☆☆☆

PRÉSENTATION : L’exposition réunit près de quatre-vingts œuvres d’artistes illustres de la Renaissance (XVe et XVIe siècles), tel que Jérôme Bosch (1450-1516), Véronèse (1528-1588) ou Le Greco (1541-1614), qui représentent, chacun à leur manière, le rêve et certaines dimensions qui entourent ce concept (le songe, le cauchemar, la vision, la nuit, le sommeil, le réveil, l’au-delà…).

AVIS : Instructif, succulent mais bondé ! J’aime la problématique de l’exposition. S’interroger sur la représentation de ce que l’on ne voit pas, de l’irreprésentable, de ce qui ne fait que nous traverser l'esprit, de ce que l'on s'imagine et qui peut nous apparaître. Pourquoi l’associer à la période de la Renaissance ? Est-ce une période si fertile que ça en représentation de l'onirique ? L’introduction de l’exposition semble nous expliquer que oui : « La Renaissance a conféré aux songes une importance extraordinaire ». Bizarre, me semble-t-il, à une époque où la science et les techniques se développent, dit-on, de manière considérable. Et puis soudain tout devient clair. Les toiles présentées jouissent toutes d'une figuration très pointue et de thèmes orthodoxes. Ainsi, ces peintures répondent toutes à des codes classiques. Nous ne sommes pas dans un parcours sensationnel où la représentation d'un rêve pourrait être inspirée par un instinct fougueux (toiles abstraites) ou part une vision inédite du monde (surréalisme). Nous nous trouvons en face de travaux cartésiens et scientifiquement codés, aux traits et détails ultra figuratifs, en face de toiles narratives, aux dimensions artisanales. De grandes œuvres qui nous plongent dans des allégories ou métaphores issues du langage mythique ou biblique. Une série d’œuvres déroge à la règle de la rationalité. Ce sont les tableaux cauchemardesques de Jérôme Bosch et de ses acolytes, à qui l'histoire n'a pu trouver de sens si ce n'est celui de la représentation personnelle des vices de l'humanité.

Cette exposition est un intense plaisir visuel, contemplatif et émotionnel. C'est de plus, une riche déambulation dans des espaces étroits et tamisés. Les annotations sur les pancartes accolées auprès de chaque peinture, offrent un descriptif factuel de chaque toile, sans ébahissement niais, permettant une lecture intéressante de toutes les œuvres. Par contre, le succès de l'exposition et la physionomie du parcours rentrent en confrontation directe et peuvent créer de multiples ralentissements successifs, gênant la constante jouissance des toiles. Et ainsi se conclue l'exposition : « Il n'est pas certain que le réveil nous éveille : il se peut que la vie entière soit un songe et que nous soyons fait de la même étoffe que les rêves ».

INFOS PRATIQUES : jusqu’au 26 janvier 2014 / Musée du Luxembourg – 19 rue de Vaugirard, 75006 Paris / tlj de 10h à 19h30, nocturne jusqu’à 22h les lundis et vendredis / Plein tarif : 11€, tarif réduit : 7.50€


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Félix Vallotton - GRAND PALAIS ☆☆☆

PRÉSENTATION : L’exposition présente une rétrospective du peintre, graveur et illustrateur franco-suisse Félix Vallotton (1868-1925). Il se fait un nom dans l’avant-garde parisienne de la fin du 19ème siècle. Bien qu’il s’impose comme un artiste indépendant de toute idéologie artistique, sa proximité avec le groupe des Nabis, mouvement postimpressioniste de l’époque (Paul Sérusier, Edouard Vuillard, Pierre Bonnard, Maurice Denis…) est un élément marquant de son parcours public.  
AVIS : Tout à fait agréable. Personnellement, je découvrais Félix Vallotton, artiste dont je n’avais encore jamais entendu parler. L’exposition révèle avec engouement l’évolution de son travail créatif à travers un parcours chronologique et thématique. On découvre un homme ouvert à de nombreuses formes d’expression (gravure, illustration, peinture et même littérature et critique d’art) et thèmes (paysage, nu, portrait…). Ses peintures se distinguent par des aplats de couleurs larges et clairs mais je ne vois pas plus d’unicité dans ses tableaux. J’y vois un goût de la découverte avec une attention portée à la figuration qu’elle soit expressive ou réaliste. Ainsi, certaines toiles se révèlent puissantes et très enthousiasmantes tandis que d’autres me paraissent plus fades et ennuyeuses. Ma visite de l’exposition a donc été marquée par ces écarts d’émotion. Une mention très particulière pour sa série des réinterprétations des mythes antiques qui livrent des toiles grands formats originales, éclairés, touchantes et fortes. Toutefois, la scénographie très classique, plutôt froide et peu aventureuse, n’est pas des plus palpitantes.

INFOS PRATIQUES : Jusqu’au 20 janvier 2014 – Grand Palais, 3 Avenue du Général Eisenhower, 75008 Paris – Tlj de 10h à 20h – Tarif plein : 12€ / Tarif réduit : 8 €
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Enki Bilal Mécanhumanimal - MUSEE DES ARTS ET METIERS ☆



PRÉSENTATION : L’exposition présente une rétrospective du créateur multimédia, réalisateur ainsi que scénariste et dessinateur de bande dessinée, Enki Bilal (né en 1951). De plus, à côtés des planches, dessins et toiles de l’artiste, une collection d’objets scientifiques étonnants et improbables, sélectionnés par Enki Bilal et issus des collections du Musée des Arts et Métiers, est présentée dans le parcours de l’exposition. 

AVIS : Quelle déception… Je ne suis pas un lecteur de bande dessinée, ma faible connaissance de la discipline et des œuvres d’Enki Bilal est un constat. Je comptais profiter de cette exposition pour générer une envie, celle de découvrir l’univers tant acclamé du dessinateur français d’origine Serbe (notamment vainqueur d’un Grand Prix au Salon international de la bande dessinée d'Angoulême). Il n’en a pas été le cas. J’ai vécu un moment de vide total pendant toute la durée de l’exposition. Celle-ci m’est apparue complétement désordonnée, vide de sens et non aboutie. 

Je pense tout simplement que c’est une exposition pour les vrais amateurs du dessinateur. Il me semble que ceux qui, comme moi, ne connaissent pas son travail ne peuvent que rester perplexe face au parcours proposé. En effet, on ne trouve aucune mise en contexte, aucune information relative aux réflexions esthétiques et idéologiques de l’artiste qui pourraient mettre en lumière un travail auquel nous n’avons pas été confronté au préalable. Certaines expositions sont faîtes pour le choc sans préparation, elle s’adresse à l’instinct primaire du visiteur. D’autres ne se savourent qu’après avoir murement gouté au préalable aux créations de l’artiste. C’est le cas de celle-ci, je ne suis donc pas le public visé : voici la seule explication que je trouve.
 
Pourtant, le titre intriguant de l'exposition, Mécahumanimal, présente une interrogation captivante sur la proximité entre l’homme, l’animal et la mécanique. Les thèmes de l’artiste qui s’y rapportent « la machine », « les conflits » et « la planète » promettent de superbes réflexions. Cependant, rien de tout cela m’est apparu. La démarcation des thématiques est illisible, les effets d’ambiance ambitieux, disposés de manière incompréhensible, tombent à l’eau, et on ne devine à aucun moment l’évolution esthétique du travail de l’artiste. Les planches extraites de ses bandes dessinées, déracinées du récit d'origine pour être agrandis et exposés, me semblent laissées à l'abandon sur un bout de mur. Dommage… 

INFOS PRATIQUES : Jusqu’au 5 janvier 2014 - Musée des arts et métiers, 60 rue Réaumur 75003 Paris - Du mardi au dimanche 10h-18h et nocturne le jeudi jusqu’à 21h30 -  Plein tarif : 5,50 € / Tarif réduit : 3,50 €
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Pierre Huyghe - CENTRE POMPIDOU ☆☆☆☆☆

PRÉSENTATION : L’exposition présente à la galerie sud du Centre Pompidou une rétrospective de plus d’une cinquantaine d’œuvres du vidéaste et plasticien contemporain français Pierre Huyghe.

AVIS : Excellent ! Voici une vraie baffe artistique et intellectuelle. Toutefois, en rentrant dans la galerie sud, je me suis tout d’abord senti sceptique. Les premières œuvres qui se présentent aux visiteurs, sculptures minérales, ne m’ont que peu inspirées. J’avoue mon appréhension des faces-à-faces avec des œuvres sans vie qui, portant peut être une vision du monde à méditer, ne génèrent pas en moi d’émotions et me laissent un goût insipide. Mais soudain, changement absolu de sentiment, je me rends compte que je suis rentré dans un univers incroyable, qui peu à peu m’imprègne et me paraît à chaque instant plus extraordinaire.

Je dis un univers car toutes les œuvres m'apparaissent liées entre elles. Dans cette galerie, on croise un melting-pot de sculptures, de vidéos, de bruits, de performances, d'ambiances…. Que de choses étonnantes, voire extravagantes, qui s’enchaînent et s’entremêlent pour nous désarçonner ou nous interpeller. Je ne peux pas, et ne souhaite pas, vous révéler toutes les surprises qui surgissent au cours de cette visite - difficile de décrire l'aspect physique ou esthétique de ce tout - mais je pense pouvoir conseiller sans scrupules : foncez voire cette expo, prenez le temps de surmonter la première impression déstabilisante et savourez ! Soyez attentif et mobile, laissez-vous guider par l'atmosphère, vous verrez apparaître des têtes d’aigle, une patineuse artistique, des abeilles en liberté…. C’est une exposition qui n’a pas de sens. Elle se visite au feeling. C’est une chemin à réaction : un bruit retentit à droite, on y fonce, une lumière déchire l’espace à gauche, on y court.

Le monde qui nous apparaît résiste à la raison, nous bouscule, nous fait réfléchir, ne nous propose pas de vision du monde, en tout cas me semble-t-il. Cependant, il nous pousse à dépasser les notions de bien et de mal, de blanc et de noir, il nous pousse à dépasser la conception classique de toute chose, nous encourage à nous perdre dans une fiction solidaire. Car c’est aussi une aventure humaine. En effet, interloqués, tous les visiteurs se regardent avec des grands yeux écarquillés et émerveillés, on court ensemble d’un bout à l’autre des endroits en étant à chaque fois hallucinés. On devient complice de cette mascarade et chacun d’entre nous développe avec l’autre un lien particulier, tout le monde est conscient de vivre un moment inédit. Et d’ailleurs tout est fait pour créer ce lien. En effet, à l’accueil, un jeune type demande son nom à chaque visiteur et le crie bien fort à l'audience pour annoncer les nouveaux venus dans la galaxie Pierre Huyghe !

INFOS PRATIQUES : Jusqu'au 6 janvier 2014 / Centre Pompidou – Place Georges Pompidou, 75004 Paris / Ouvert tous les jours sauf mardi de 11h à 23h / Droit d´entrée : 13 ou 11 euros. Tarif réduit : 10 ou 9 euros.
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Eva Jospin - GALERIE DES GOBELINS ☆☆☆☆

PRÉSENTATION & AVIS : En parallèle de l’exposition « Eloge de la Verdure », la galerie des Gobelins accueille dans son salon carré une œuvre monumentale (7 mètres de long sur 3.50 mètres de haut) d’Eva Jospin (fille de Lionel) : une forêt artificielle en carton. Minutieusement, des bouts de carton sont empilés et juxtaposés pour donner forme à une dense et profonde forêt. Positionnée devant la sculpture, à l’orée du bois, dans une salle bercée par un éclairage lunaire, l’œuvre inspire une réaction de curiosité enfantine de rêve et de peur. Captivante, elle tétanise et égare. Cette œuvre propose un contrepoint esthétique et métaphysique à l’exposition principale. Il ne s’agit plus, comme l’explique la galerie, « d’une œuvre décorative (Cf. article ci-dessous), mais d’une sculpture dont le matériau fragile, le carton, est assimilable à de l’éphémère ». 

INFOS PRATIQUES : Jusqu’au 19 janvier 2014 – Galerie des Gobelins, 42 avenue des Gobelins 75013 Paris – Du mardi au dimanche de 11h à 18h – Tarif plein : 6 euros, Tarif réduit : 4 euros.
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Eloge de la nature - GALERIE DES GOBELINS ☆☆☆☆

PRÉSENTATION : L’exposition présente une sélection de tapisseries, datant du moyen-âge à aujourd’hui dont la thématique centrale est la représentation de la nature. Ces tapisseries sont principalement tissées en laine ainsi qu’en soie, lin, dentelle et coton. Elles sont exposées, comme un tableau, sur les murs de la galerie. Elles deviennent donc des œuvres d’art à part entière, s’affichant au niveau de nos yeux pour être contemplées. Le parcours ne se veut pas chronologique. Les œuvres sont entremêlées pour former un parcours esthétique intemporel et interactif. 

AVIS : Superbe ! Cette exposition est un véritable plaisir. C’est une invitation à la promenade où on circule avec curiosité et contemplation. Mais, pour être honnête, je dois tout de même vous avouer ma surprise. Je me rendais très sceptique à cette exposition, ne concevant pas comment la tapisserie pouvait être érigée au statut d’œuvre d’art. Quelle bêtise ! Je ressors enjoué par cette découverte, imaginant même toutes les tapisseries que je pourrais installer dans ma maison idéale. Mais, plus qu’une décoration ou un plaisir esthétique, la tapisserie c’est également, sous nos pieds ou intégrée dans du mobilier, un tas d’histoires ou de propositions métaphysiques bâtis grâce à un savoir-faire humain de haut vol. C’est aussi une valeur historique, marquant l’évolution des goûts esthétiques, des préoccupations artistiques et des conditions de vie à travers les époques.

Ici, en se concentrant sur la thématique de la nature, l’exposition nous montre comment la représentation iconographique et chromatique de la flore a évolué dans la tapisserie depuis plus de 600 ans. On se rend compte que le végétal n’a pas toujours exprimé les mêmes formes. On découvre qu’au moyen-âge les « milles-fleurs », tapisseries dont l’espace était saturé de dessins de fleurs resserrés, étaient très tendances. Et puis surtout, se furent mes coups de cœur, on découvre des tapisseries dont l’évocation de la nature se veut formellement abstraites. Je retiendrais tout particulièrement « …. » de Yves Oppenheim, qui présente une variation de carré de nature  (Cf. ci-dessous). Ceci génère une dimension esthétique très vive et plaisante. Superbe !
INFOS PRATIQUES : Jusqu’au 19 janvier 2014 – Galerie des Gobelins, 42 avenue des Gobelins 75013 Paris – Du mardi au dimanche de 11h à 18h – Tarif plein : 6 euros, Tarif réduit : 4 euros.

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Joardens, la gloire d'Anvers - LE PETIT PALAIS ☆☆☆☆☆

PRÉSENTATION : L'exposition présente la première rétrospective française consacrée à l'artiste flamand du 17ème siècle, Jacques Jordaens (1593 – 1678). Cent-vingt œuvres (surtout des peintures et quelques esquisses et gravures), en provenance de musées du monde entier et rassemblées pour l'occasion, permettent de découvrir de manière exhaustive toute la démarche créative de Jordaens et l'ensemble des thématiques abordées dans son œuvre (portraits de famille, grandes compositions religieuses, scènes de banquet et de mythologie...).

MON AVIS : Excellent ! Avant tout, les toiles sont excessivement belles et dégagent une puissante émotion. Mais ce qui permet de jouir aussi vivement de ces compositions, c'est l'exceptionnelle scénographie que livre le Petit Palais. Nous sommes introduis directement dans un espace reconstitué. En effet, un décor grandeur nature et un fond musical (de la harpe me semble-t-il) recomposent l'atmosphère de l'époque. Puis une vidéo introductive, accompagnée de grands tableaux de présentation, permettent aux visiteurs de s'imprégner du contexte politique et économique de l'époque de Jordaens. Ces explications, très pédagogiques mais pas débilisantes, évoquent notamment la ville d'Anvers (dans laquelle Jordaens avait installé son atelier) ou encore la relation de l'artiste avec les deux autres maîtres flamands de la période, figures marquantes de l'histoire de l'art, Rubens (1577 – 1640) et Van Dyck (1599 – 1641).

L'exposition met particulièrement bien en avant le rôle du peintre à cette période de l'histoire. L'artiste, Jordaens comme d'autres, est avant tout un vrai artisan et un chef d'entreprise ! En effet, il possède un atelier, qui emploie des apprentis et une équipe de travail, et il doit recruter des clients pour acheter ses œuvres. Il doit donc positionner son travail sur un avantage concurrentiel et adapter son offre à la demande. Ainsi, nous dit l'exposition, comme les concurrents de Jordaens étaient plus côtés que lui dans le portrait, on retrouve peu cette thématique dans son travail. Au contraire, malgré ses positions idéologiques controversés vis à vis de l'Eglise catholique, le coup de pinceau étincelant de l'artiste pour représenter des scènes bibliques suffira à l'institution, en pleine contre-réforme, pour lui commander de nombreux tableaux religieux. Finalement, l'artiste est donc un vrai commercial et un gestionnaire. D'ailleurs, le succès des œuvres de Jordaens, sur son territoire et à travers toute l'Europe, lui valurent d'être un des personnages les plus riches de la ville d'Anvers au 17ème siècle. De plus, le texte nous rappelle que pour réussir avec son propre atelier, le talent ne suffit pas. L'argent, les relations et même les liens de parenté sont bien souvent indispensables. Jordaens, fils de bonne famille, ne dérogera pas à la règle.

La scénographie propose aussi, à coté de chaque tableau, des commentaires qui permettent d'éclaircir la composition en nous révélant factuellement l'histoire des scènes qui s'y déroulent et l'identité des personnages qui les composent. Ces textes n'essaient pas de nous forcer à considérer l’œuvre comme un chef-d’œuvre. Ils nous donnent juste en toute humilité les clefs techniques pour la comprendre. Libre à nous d'en jouir ! Je note aussi, pour conclure, la présence en fin d'exposition d'une grande installation. Celle-ci, montée par le musée et je vous laisse la surprise de découvrir, permet d'aborder différemment, à travers ses cinq sens, l’œuvre de Jordaens. Mention particulière pour le tableau « La pêche miraculeuse » (Cf. ci-dessous) où l'on voit Simon, qui deviendra le futur apôtre Pierre, pécher miraculeusement après l'intervention divine de Jésus Christ.

INFOS PRATIQUES : Jusqu'au 19 janvier 2014 / Petit Palais – Avenue Wilson Churchill 75008 Paris / Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h et nocturne le jeudi jusqu’à 20h / Tarif plein : 11 euros, demi-tarif : 5,5 euros
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Masculin / Masculin - MUSÉE D'ORSAY ☆☆☆

PRÉSENTATION : L'exposition présente l'évolution de la représentation artistique du corps nu de l'homme, de 1800 à nos jours, à travers la peinture, la sculpture et la photographie. Le parcours s'articule autour de thématiques qui ambitionnent de refléter toutes les facettes, dimensions et significations de la représentation de la nudité masculine au cours de l'histoire de l'art (l'homme héros, l'homme sportif, l'homme mythologique, l'homme amoureux, l'homme en souffrance...). L'exposition Masculin / Masculin se veut la première grande rétrospective sur cette problématique (après celle organisée il y a tout juste un an par un musée Autrichien). 

MON AVIS : Indécis. C'est, d'un point de vue esthétique, un vrai régal. De superbes œuvres, de toutes les époques et courants de l'histoire de l'art de ces trois cent dernières années, s'enchaînent brillamment pour le plus grand plaisir des émotions. La liste des œuvres qui ont retenu mon attention serait trop longue à dérouler : «Prométhée» de Gustave Moreau, «Dead father» de Ron Mueck, «Fléau» de Henri Camille Danger (Cf. galerie).... Pour ne pas m'étendre, je ne retiendrai d'abord qu'un travail : les photographies kitchs, provocantes et malignes du couple d'artistes français Pierre & Gilles. Celles-ci représentent des corps nus d'hommes, sublimés dans un univers idyllique aux couleurs étincelantes (Cf. visuel de gauche de l'affiche de l'exposition). Je ne m’arrêterai ensuite que sur une seule œuvre : «L'art de la guerre» de l'artiste plasticienne française contemporaine Orlan (Cf. image ci-dessous). Cette toile parodie, de manière brute et frappante, le célèbre tableau de Gustave Courbet, «L'origine du monde», pour mettre en comparaison, me semble-t-il, avec ironie et provocation, le rôle primaire et destructeur du mâle dans l'histoire de l'humanité face au statut enchanteur de procréatrice, et donc de reconstructrice, de la femme.

Toutefois, je n'ai pas trouvé dans cette exposition de fil conducteur suffisamment abouti. La thématique de base est géniale et captivante mais, malheureusement, je trouve qu'elle n'est pas à la hauteur de ses ambitions d'un point de vue éditorial. Les œuvres, bien que formidables, ne me semblent pas répondre exhaustivement à la problématique de départ. On n'arrive pas vraiment à identifier toutes les dimensions que soulèvent la nudité de l'homme dans l'art. Par exemple, la problématique de la représentation du sexe de l'homme dans l'histoire de la peinture ne me semble pas suffisamment abordée et détaillée. Pourtant, elle m'apparaît comme l'élément fondamental de la nudité masculine. Qu'est-ce qui explique que le sexe masculin, très longtemps caché dans les œuvres d'art, se soit peu à peu révélé puis exhibé à l’œil du spectateur ? Pas vraiment de réponse à se mettre sous la dent. Les cartels de présentation sont assez évasifs et généraux. Je déplore ainsi la pudeur excessive du résultat. Pour une exposition sur la nudité, c'est dommage....

INFOS PRATIQUES : Jusqu'au 2 janvier 2014 / Musée d'Orsay – 1, rue de la légion d'honneur, 75007 Paris / Ouvert du mardi au dimanche de 9h30 à 18h avec une nocturne jusqu'à 21h15 le jeudi / Tarif plein : 12 euros, entrée libre pour les moins de 25 ans

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La mécanique des dessous - LES ARTS DECORATIFS ☆☆☆☆

PRÉSENTATION : L’exposition présente, comme le résume très bien le musée des Arts Décoratifs, « les artifices utilisés par les femmes et les hommes, du XIVème siècle à nos jours, pour dessiner leur silhouette ». Concrètement, sont exposés les dessous de mode qui ont façonné le corps de l’Homme (avec un grand H) selon les tendances esthétiques qui ont traversé les sept derniers siècles. Vous trouverez, entre autres, des fraises (col de lingerie pour mettre en valeur le visage), des pourpoints (rembourrage pour rehausser le bombage du torse), des corps à baleine (bâton en bois dans le dos pour raidir le corps), des paniers (corbeille autour de la taille pour agrandir son envergure), des corsets (sous-vêtement rigide pour affiner la taille et remonter la poitrine), des crinolines (sous-vêtement pour soutenir le volume de la jupe) ou encore, ma pièce préférée (Cf. photo ci-dessous), des braguettes (rembourrage placé au niveau de la braguette du bas de pantalon pour reproduire la proéminence du pénis).

MON AVIS : Superbe ! Voici une visite très agréable et intéressante. Le slogan de l'exposition « une histoire indiscrète de la silhouette » est alléchant. En réalité, le traitement n'est pas du tout coquin (oui, oui, je m'étais imaginé un peu d'érotisme !) : l'exposition est en fait très sobre et pédagogique. Les œuvres sont exposées, sous vitrine, dans un espace tamisé et raffiné. Beaucoup de délicatesse et de subtilité dans la présentation générale. J'apprécie aussi les « bonus » de l'exposition. Vous pouvez essayer certains dessous dans un espace interactif ainsi que visionner des extraits de grands classiques du cinéma où les actrices et acteurs dévoilent les dessous de leur dessous (Autant en emporte le vent, Les liaisons dangereuses...).

Cette exposition devient même passionnante quand on arrive à sa conclusion. Celle-ci, rédigée dans un petit encadré en bout de parcours, démontre pour moi tout l'intérêt de cette visite. En voici l'extrait qui a retenu mon attention : « Le corps est taillé par la mode. Il est donc le reflet de la société qui a présidé à sa création. Il n'y a pas de corps naturel, mais un corps culturel » (et dix mannequins nus sont disposés à la sortie de l'exposition pour illustrer l'évolution de la forme de notre corps par rapport à l'évolution de la mode des dessous). Je suis un grand défenseur de l'idée selon laquelle, même inconsciemment, tous nos actes, ainsi que notre perception du bien et du mal, sont façonnés par notre histoire et notre société. L'exposition va plus loin en montrant que même l'apparence de notre corps nu n'a rien de naturelle. La société (et les modes qu'elle génère et qui imprègnent l'opinion publique), encadre notre esprit et même notre corps. Comment alors se prétendre réalistement libre ? La liberté n'est-elle qu'une sensation et non une réalité ?

Mention particulière pour cette information surprenante qui n'a pas manqué de capter mon attention : à l'époque du Directoire et de l'Empire, les hommes élégants et soignés portaient des faux-mollets pour accroître leur sex-appeal. En effet, la virilité était jugée à la circonférence des mollets. Chers lecteurs, vous aurez donc appris dans cette chronique que mes proéminents mollets, tout en muscles saillants, auraient fait de moi un véritable dandy au XIXème siècle !

INFOS PRATIQUES : Jusqu'au 24 novembre 2013 / Les Arts Décoratifs - 107, rue de Rivoli, 75001 Paris / Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h avec une nocturne jusqu'à 21h le jeudi / Tarif plein : 9,5 euros, Entrée libre pour les moins de 26 ans
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Camille Claudel - MUSÉE RODIN ☆

PRÉSENTATION : A l'occasion du 70ème anniversaire de la mort de Camille Claudel (1864-1943), l'exposition rend hommage à la sculptrice française. Le musée Rodin présente une vingtaine d'œuvres de l'artiste qui a vécu une relation passionnelle et tumultueuse avec Auguste Rodin (1840-1917). Ces œuvres sont issues de la propre collection permanente du musée. Elles ont été données par le frère de Camille Claudel, le poète et écrivain Paul Claudel, ou achetées directement par l'institution.

MON AVIS : Déception.... J'attendais beaucoup de cette exposition. Séduit par quelques sculptures de Camille Claudel, découvertes dans ce même musée Rodin lors d'une précédente visite, j'avais donc, dans un premier temps, hâte d'explorer plus amplement le travail de l'artiste et de contempler les créations qui en découlaient (notamment pour les mettre en parallèle avec le style et l'univers d'Auguste Rodin, de 24 ans son aîné et considéré comme ayant profondément marqué la vie personnelle de la sculptrice). Camille Claudel fût internée en hôpital psychiatrique en 1913 ; je souhaitais donc, dans un deuxième temps, savoir si la démence avait pu influencer ses œuvres et en quoi. Malheureusement, aucune réponse exhaustive à ces questions dans cette exposition. En effet, le musée, en regroupant simplement les œuvres qu'il possédait déjà de l'artiste, n'a pas ajouté de contenu rédactionnel supplémentaire. Les sculptures ne sont identifiées que par un petit encart à l'entrée du musée dont le contenu est très court. De plus, on n'a pas l'impression qu'un espace muséal ait été érigé spécialement pour se consacrer aux sculptures. Celles-ci sont entreposées au milieu d’œuvres d'autres artistes (qui n'ont pas de liens thématiques particuliers avec le travail de Claudel) ce qui réduit l'effet de mise en avant du travail de la sculptrice et déstabilise le spectateur.

Une visite au musée Rodin est toujours un pur plaisir (à découvrir sans hésitation!). L'hôtel Biron, hôtel particulier du 7ème arrondissement possédant le plus grand espace vert privé de la ville de Paris et qui domicilia l'atelier parisien d'Auguste Rodin pendant une certaine période, est plein de charme. Néanmoins, on a l'impression qu'à travers cette exposition, l'opération « Les 70 ans de la mort de Camille Claudel », le musée souhaite plus marquer symboliquement le coup que réellement innover. C'est un événement de communication qui a du sens mais qui est artistiquement, à mon sens, sans valeur ajoutée par rapport à la collection permanente. C'est d’ailleurs pour cela que le musée, me semble-t-il, à très peu communiqué sur l'exposition. A noter que des événements additionnels auront lieu autour de l'exposition (toutes les informations sur le site internet du musée).

Mention particulière pour la sculpture en marbre-onyx et bronze «La vague» (Ci-à coté) où l'on voit une vague gigantesque sur le point de s'écrouler sur trois jeunes filles dansantes et rieuses main dans la main. La tension est à son comble. C'est le calme avant la tempête. Comme si l'artiste, en réalisant un arrêt sur image dans un moment si paradoxal et inquiétant, voulait nous montrer qu'à tout moment des imprévus pouvaient nous sauter dessus. L'issue de la sculpture semble inévitable. Ceci insinuerait que, telle une fatalité, il faudrait accepter les vicissitudes du quotidien. Par contre, la joie et l'entraide constantes, symbolisées par les trois personnages et leur innocence, montrent bien qu'il ne faut pas se résigner et arrêter de s'amuser et partager ensemble jusqu'au bout.

INFOS PRATIQUES : Jusqu'au 5 janvier 2014 / Musée Rodin - 79, rue de Varenne, 75007 Paris / Ouvert tous les jours sauf le lundi de 10h à 17h45 avec nocturne jusqu'à 20h45 le mercredi soir / Tarif plein : 6 euros, Tarif jeune : gratuit.
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Loris Gréaud - PYRAMIDE DU LOUVRE ☆☆☆☆

PRÉSENTATION : L'exposition présente une sculpture monumentale de l'artiste plasticien français Loris Gréaud (né en 1979). L’œuvre, commandée par le Louvre en partenariat/mécénat avec Mercedes-Benz, est positionnée à l'entrée du musée, sous la grande Pyramide de verre et de métal conçue en 1989 par l'architecte sino-américain Ieoh Ming Pei. Cette œuvre possède une particularité hors norme : elle représente une grande statue..... recouverte d'un drap ! Trois grosses cordes ligaturent fermement ce tissu à la statue, ci-dessous cachée. Ainsi, on devine les formes de la création mais on ne peut pas en voir l'apparence ! Seul un socle massif apparaît au pied de la sculpture, à l'orée du drap. La forme de ce socle, épaisse et lourde, laisse supposer une statue colossale et imposante. Mais le spectateur n'en saura pas plus !

MON AVIS : A travers cette œuvre fantomatique et mystérieuse, Loris Gréaud lance « une réflexion sur l'imaginaire de la statuaire, son inauguration, son dévoilement » explique le musée du Louvre. J'y vois aussi une manière audacieuse et provocante de repenser la vocation de la sculpture. En effet, après l'esthétique de la représentation, on découvre l'esthétique de la supposition et du fantasme : le beau ne se voit plus, il se devine. On laisse supposer une œuvre sublime et impressionnante, un véritable chef-d'oeuvre, mais on ne dévoile rien. 

A l'opposé, je vois également dans cette sculpture monumentale une métaphore sur l'apparence des choses. Dans la société humaine, où paraître semble plus important qu'être, se couvrir d'un drap, c'est cacher aux autres sa vraie nature sous une structure imposante mais vide. Dans tous les cas, voici un travail osé et, me semble-t-il, très intelligent, qui ne manquera pas de lancer de grands débats si vous visitez l'expo en groupe ! 

INFOS PRATIQUES : Jusqu'à janvier 2014 / Pyramide du Louvre – 75001 Paris / Ouvert tous les jours de 9h à 18h sauf le mardi avec nocturnes jusqu'à 21h45 les mercredis et vendredis / Entrée gratuite
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